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monde le spectacle d’une conduite désordonnée, le mauvais exemple d’une existence licencieuse. Je tiens pour la correction, cette pudeur mondaine, comme je tiens pour la loyauté parfaite des joies noblement acquises.

Tu vois que si je suis une volontaire, au point de vue de mes droits stricts, je ne suis ni une égoïste, ni une effrontée, et que tu peux me donner tes deux mains en toute sécurité ; tu ne seras jamais, près de moi, ni compromise, ni scandalisée, ni lésée. Et je suis une amie sûre, va !

Maintenant, quittons ce ton sérieux, qui ne m’amuse guère. J’aime à prendre la vie en riant ; c’est plus sain ; et je puis me le permettre, puisque ma conduite s’appuie sur des principes solides. As-tu confiance ?

J’avoue qu’elle m’avait réduite à lui tendre les mains, et ce fut comme un pacte d’estime et d’amitié quand même.

— Quel jour viendras-tu dîner ! reprit-elle. Demain ? aujourd’hui ? Tout de suite ? Tiens, je t’enlève.

La fréquentation de Louise amena bien quelque relâchement dans mes travaux ; du temps perdu, disait en grommelant ma bonne Janie. Mais je me sentais moins triste, moins esseulée. Les heures me paraissaient moins lourdes, ainsi coupées par les irruptions de gaîté de cette charmante femme si sainement équilibrée et de laquelle j’enviais parfois l’indépendance crâne et mesurée toutefois. On eût dit que la fanfare de son rire sonnait en moi l’éveil du sourd désir de vivre que toutes mes volontés avaient depuis longtemps forcé à s’endormir.

Louise me disait parfois que mes soupirs languides avaient changé de note, comme ceux d’une veuve après son temps de deuil.