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Écoute bien : M. de Bléry était très beau : une tête !… Van Dyck, te dis-je ! J’en perdis l’esprit. Lui, au contraire savait fort bien ce qu’il faisait : j’étais riche ; il m’enleva. C’était son jeu.

Je ne le blâme pas, je constate. Mais, enfin, j’avais bien le droit d’en vouloir pour mon argent.

Au bout de six mois, il me trompait avec tous ses modèles. Tu m’entends ? je dis « tous », ou plutôt non, tu ne m’entends pas ; mais passons. Par surcroît, il me giflait quand je survenais mal à propos.

A la fin, je cassai les vitres. Mon petit, lui dis-je, si je te fais un procès en séparation tu rendras la dot, et fini de rire, tu sais ? car tu n’es pas fichu de gagner ton intéressante vie. Donc, si tu veux, un marché. Je n’ai pas besoin de te dire que je tiens à ton amour comme à une pomme blette ; bien mieux, j’en ai assez, j’en ai trop. Mais nous avons une situation dans le monde, grâce à mon cuisinier, à nos chevaux et à ton nom : gardons-la. Le monde ne demande pas aux gens qui reçoivent s’ils sont honnêtes, mais s’ils le paraissent. Séparés, toi, tu traînerais tes grègues dans toutes les boues, moi je baisserais d’un cran ou deux en ma qualité de femme divorcée. Et pour remonter sur l’eau, je serais forcée de me remarier. Or, j’en ai assez de cette balançoire-là. Un mari, deux maris, c’est toujours le même au fond. Et s’il me fallait encore divorcer avec celui-là, peut-être même avec un troisième, cela me prendrait tout mon temps. Je crois que l’on doit faire de sa trop courte vie un meilleur usage, et que l’on peut s’arranger de façon à ne pas avoir besoin de courir après les juges, chaque fois que l’on a cessé de se plaire.

— Mais c’est le mariage libre que tu prêches là ! m’écriai-je.