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tune spéciale favorise ou accable ; et c’est vrai : on porte en naissant le signe mystérieux de ses futures destinées.

Louise, élevée au même pays que moi, connaissait, à peu près, les tristes événements qui avaient suivi mon mariage. Elle eut le tact de ne pas me les rappeler. Même elle ne se plaignit pas de nos relations interrompues, comme pour éviter de remettre entre nous le souvenir de son frère ; soit qu’elle attendit que son nom me vint aux lèvres, curieuse de savoir s’il était demeuré du moins dans ma pensée, soit par indifférence réelle de ce roman enfantin, déjà si loin de nous.

Et moi, je n’osais pas m’informer de Paul. Pourquoi ? Je ne saurais le dire. Mais je l’interrogeai sur elle, dont je ne savais rien, sinon que, fidèle au programme qu’elle s’était tracé, elle avait réduit sa famille à l’obligation de la marier, sans délai, avec un jeune peintre de passage à Vannes, duquel elle s’était éprise, et qu’elle avait suivi avec assez d’éclat et d’imprudence pour que le mariage s’imposât. Nous n’avions même pas reçu de faire-part.

— Ton mari ? lui dis-je.

Elle rit.

— Oh ! brûlé, le mari, fini, disparu.

— Comment ? fis-je ébahie.

— Une gaffe, ma chère ! Il n’avait rien dans le ventre, ce garçon-là ! Ne prends pas déjà ton air scandalisé. Je m’étais mariée pour être heureuse, n’est-ce pas ? J’avais cru au bonheur, avec ce Van Dyck de contrebande. Eh ! bien, quand j’ai vu que je m’étais trompée… j’ai passé la main.

— Mais tu l’aimais ?

— Naïve ! Est-ce une raison pour l’aimer encore ?