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Pendant ce temps, ma voisine, la toute belle aux diamants, pérorait avec infiniment d’esprit et de grâce… C…o, l’attaquait, la pressait de fines questions d’une pédanterie mondaine exquise, et il s’émerveillait des promptes réparties de cette fille des Doges. Toute cette soirée ne fut qu’un triomphe pour elle.

Enfin, elle daigna s’enquérir de moi et, séance tenante, m’arracha la promesse de venir dîner chez elle, un jour prochain que l’on fixa. D’ailleurs, nous fûmes tous priés, toute la table. Et Guy d’Harssay, l’anacréontique poète, baptisa immédiatement ce dîner projeté du nom de « fête des roses. » La table devait être enguirlandée de ces fleurs, comme le front d’un convive romain.

Peu de jours après, je reçus le carton qui me rappelait ma promesse et m’avertissait qu’une soirée éminemment artistique suivrait ce dîner parfumé.

Je ne sais quelle vague inquiétude me tourmentait, quel malaise inexplicable ; malgré tout son esprit, ses diamants, son grand air, non, décidément, cette princesse ne me plaisait pas.

J’avais à Paris quelques relations dans un monde très spécial, celui des officiers retraités, d’anciens camarades de mon père, gens peu mondains pour la plupart.

L’un d’eux connaissait assez intimement le général P… Il me conduisit à l’Elysée, et demanda carrément au général si je pouvais aller dîner chez Mme M…

— Puisque j’y vais, moi ! répondit naïvement le général.

— Mais sacrebleu, mon général, ce n’est pas la même chose : un homme peut aller partout…

— Un homme, oui, mais non pas le premier officier de la maison du président.