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gammes et des arpèges. Elle lançait sa première note, puis la traînait, puis précipitait une gamme chromatique, parfois interrompue et reprise, après un point d’orgue fulgurant. Ce n’était plus une étude, c’était un caprice de notes roulées et déroulées de façon à former une phrase étrange, brisée, indistincte. Un chant se heurtait dans ces envolées de sons comme pour s’en échapper, et sans y parvenir. L’expression restait incomplète, mais l’effet était splendide.

Robert reconnut la plainte qui revenait dans ces vocalises étourdissantes, dans cette voix affolée demandant grâce et mourant dans un sanglot.

Et il attendit, n’osant entrer, troublé de ce souvenir.

Le silence se fit. Gatienne, les mains sur ses genoux, le regard perdu, rêvait.

Il ouvrit la porte et se précipita, glissant à ses pieds, l’étreignant.

— Oh ! je te revois, enfin, enfin !… Sais-tu que je t’aime ? sais-tu que je suis fou ?…

— Grand’mère !… avait crié Gatienne à toute voix, se sentant mourir.

— Tais-toi. Pourquoi te défends-tu ? N’ai-je