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d’aise : mathématiquement, en effet, de l’avanie que me faisait ma maîtresse devait naître chez moi le besoin de lui témoigner du mépris : ce point acquis, brûlant de me venger de la femme, j’accueillerais plus favorablement les avances de son amant.

Telles étaient nos positions réciproques à notre arrivée chez Lycas : Tryphène se mourait d’amour pour Giton, Giton répondait de tout cœur à son amour, double spectacle qui n’avait rien d’agréable à mes yeux. Pendant ce temps, Lycas, dans son désir de me plaire, s’ingéniait à inventer chaque jour un nouveau divertissement ; en bonne maîtresse de maison, sa femme, la belle Doris, le seconda de son mieux et avec tant de grâce et de distinction qu’elle chassa bien vite Tryphène de mon cœur.

Par le manège de mes yeux, mon amour se fit connaître à Doris, et l’engageante caresse du regard de Doris me répondait oui. Si bien que dans cette conversation muette, avant toute parole, l’inclination que nous sentions entraîner d’un même mouvement nos deux cœurs trouva sa discrète expression. La jalousie de Lycas, à moi déjà connue, m’était une raison de garder le silence, et c’était l’amour même du mari pour moi qui m’ouvrait le cœur de l’épouse.

La première fois qu’il nous fut permis de nous entretenir, elle me fit part de ce qu’elle avait remarqué. Je pris le parti d’avouer franchement, et je lui racontai avec quelles rigueurs j’avais accueilli son mari. Mais cette femme pleine de sens : « Eh bien, c’est le moment de se montrer intelligent », dit-elle. Bref, sur ses bons avis, je cédai à l’homme pour posséder la femme.

Cependant Giton, éreinté, avait besoin de quelque répit pour se refaire et Tryphène me revint. Mais, devant