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X. OU ENCOLPE ET ASCYLTE RÈGLENT LEURS COMPTES

« — Triple brute, que voulais-tu que je fisse, puisque je mourais de faim ? J’allais peut-être me nourrir de beaux discours ? Qu’avais-je à faire de toutes ces verroteries, de ces rêvasseries de somnambules ? Je suis tout de même tombé un peu moins bas que toi, qui en es réduit louer des vers pour qu’on t’invite à dîner. »

C’est ainsi que cette discussion malpropre finit en éclats de rire et que nous passâmes à des entretiens moins orageux. Tout de même, je n’arrivais pas à digérer sa trahison : « Ascylte, lui dis-je tout à coup, je vois bien que nous ne pouvons nous entendre ; partageons donc notre maigre bagage et désormais cherchons, chacun pour son compte, les mesures à prendre pour fausser enfin compagnie à cette dèche tenace. Tu as des lettres ; moi aussi. Pour ne pas être un obstacle à tes affaires, je vais me lancer dans quelque autre voie : sans quoi nous aurions mille motifs de nous heurter chaque jour et de faire jaser toute la ville à nos dépens. »

Il ne dit pas non. Mais « pour aujourd’hui, fit-il remarquer, nous sommes invités à dîner en notre qualité de lettrés ; ne perdons pas notre soirée : demain, puisque tu le veux, je me mettrai en quête d’un gîte et d’un petit ami. — Pourquoi tarder, lui dis-je, puisque nous sommes d’accord ? »

C’était l’amour qui me faisait précipiter la rupture : depuis longtemps déjà je désirais écarter un témoin importun, pour reprendre sans contrainte mes vieilles habitudes avec mon petit Giton. ‘ Ascylte prit la chose de travers et, sans rien dire, gagna brusquement la porte.