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V. OU SONT GLORIFIÉES LES FORTES ÉTUDES

Si tu aimes les purs chefs-d’œuvre d’un art sévère,
Si toi-même tu vises au grand, avant toute chose
Fais-toi une loi de la plus stricte sobriété :
Dédaigne d’aller dans les palais quêter un regard du prince hautain,
Ou, vulgaire parasite, une place à la table du puissant,
Ou, courant à ta perte, de noyer dans le vin la vigueur de ton esprit,
Ou, dans la claque, d’applaudir, soudoyé, au coup de gueule de l’histrion.
Mais soit que lui rie la citadelle de Minerve
Ou la terre habitée par le colon lacédémonien,
Soit qu’il demeure au pays des Sirènes,
Que l’orateur consacre d’abord quelques années à la poésie[1]
Et s’abreuve largement aux sources homériques.
Puis après avoir suivi la troupe socratique, changeant encore de discipline,
Que de son plein gré il vienne secouer l’armure formidable du grand Démosthène.
Alors, que la pléiade des écrivains romains lui fasse cortège, et, affranchie
Du génie grec, qu’elle le pénètre d’une influence qui dégage son originalité.
Cependant une page de nos luttes civiles lui fournira un poème,
Il fera retentir le trépied d’Apollon d’un chant vif et cadencé,
Puis, ayant trouvé des paroles farouches pour remémorer le tragique festin de nos guerres,
Il pourra nous promettre enfin les grandes paroles dignes de Cicéron l’invaincu.
Alors, ayant armé ton esprit de tous ces talents, après t’être abreuvé
Aux sources abondantes de l’art, ta poitrine répandra les paroles des Muses[2]

VI. ENCOLPE CHERCHE SON AMI ET SON AUBERGE

J’écoutais si bien que je ne remarquai même pas que mon ami Ascylte s’était sauvé. Tandis que je traverse le jardin parmi ce flot de paroles, une foule d’étudiants

  1. Cicéron et Quintilien recommandent également de commencer l’éducation par la lecture des poètes.
  2. Ces vers, qui ne manquent pas d’allure, sont, du reste, parfaitement inintelligibles.

    On serait tenté de croire que l’auteur a voulu se moquer d’une certaine manière d’écrire brillante, obscure et recherchée à la mode de son temps si M. Collignon n’avait établi que cette pièce est pleine d’imitations de Lucilius. Pour arriver à une traduction possible, nous avons dû sacrifier sans cesse le latin à la logique.

    La demeure des Sirènes désigne Naples, la ville de Minerve, Athènes, la terre habitée par le colon lacédémonien est probablement Tarente.