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Par une rencontre de circonstances heureuses, tous ces défauts sont bien moins sensibles dans la prose de Pétrone.

Les idées originales y font défaut, comme dans ses vers : il se borne à rajeunir les lieux communs par des développements ingénieux et inattendus sa philosophie, qu’il a prise chez Épicure et Lucrèce, est, à son époque, celle de beaucoup d’esprits cultivés sa doctrine littéraire même, à laquelle il tient tant, nous la retrouvons dans Tacite, dans Sénèque le Rhéteur, dans Quintilien, dont il ne serait que l’écho si on nous accorde qu’il n’a paru qu’après eux dans le monde des lettres. Ce qu’il aurait de plus original, d’après M. Collignon, c’est son opinion sur le rôle de la mythologie en poésie : il est cependant probable qu’il ne fut pas le seul de son temps à aimer la tradition jusqu’à en devenir réactionnaire. Mais ces idées sur la philosophie et les lettres, si elles ne sont pas de son cru, il y tient, il les aime, il les fait siennes, il les expose avec cette conviction, ce sérieux, cette ardeur sans laquelle il n’y a pas plus de grand écrivain que de grand orateur. Et il les soutient non seulement avec force, mais avec habileté, mais, ce qui ne gâte rien, avec beaucoup d’agrément.

Au reste, pour le sujet qu’il avait choisi, les idées étaient secondaires. Il lui suffisait de regarder la vie, la vie si variée, si amusante, si pittoresque de cette Italie de l’Empire où se mêlaient les races, les idées, les religions, les vices même, venus des quatre coins du monde. Il a su voir et, ainsi replongé dans cette vie de laquelle sa poésie se tenait par trop éloignée, il a trouvé l’emploi heureux de toutes les ressources qu’il avait acquises dans ses longues et sévères études. Enfin, nous ignorons comment, mais par une bien heureuse chance, ce mandarin de lettres, ce partisan des anciens, cet aristocrate de tempérament s’est trouvé en contact avec la plus vile populace, a daigné la comprendre et en rire, et du contraste violent entre l’observateur et le spectacle