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Toutes ses préoccupations sont pour la forme on l’acquiert par la lecture assidue des grands écrivains dont on doit s’assimiler les tours et les expressions pour en tirer des combinaisons nouvelles, inattendues. Pour bien écrire, il faut et il suffit d’être très fort en littérature. Qu’il s’agisse de poésie ou d’éloquence, l’art est une imitation ingénieuse des bons modèles, et c’est dans l’élocution que réside la véritable originalité de l’écrivain.

Ces procédés de patiente marqueterie littéraire, qui rappellent un peu ceux par lesquels on enseignait jadis dans l’Université à faire des vers ou des discours latins, étaient bien propres, il faut l’avouer, à étouffer d’abord l’originalité de l’écrivain, à le pousser plus tard à chercher à tout prix l’originalité en renouvelant des procédés, des tours et des expressions trop usées.

A ce régime et avec ces idées, Pétrone risquait fort de devenir un écrivain correct, élégant, ingénieux, plein de ressources, mais sans personnalité, suppléant à l’inspiration absente par le tour de force et faisant consister l’originalité dans la recherche de l’effet. Et c’est bien ainsi qu’il se montre dans ses vers. Ils ont à peu près tous les défauts qui, nous venons de le montrer, sont la conséquence de sa méthode littéraire enflés, alambiqués, froids, souvent obscurs, surchargés d’une nomenclature mythologique sèche, encombrante et difficile, au moins pour nous modernes, sentant la déclaration et le lieu commun et surtout fourmillant de réminiscences gênantes. Ni imaginations neuves, ni pensées fortes, ni même sentiment sincère, rien en un mot de ce qui fait le poète. En revanche, beaucoup d’esprit, d’ingéniosité, de métier, de virtuosité, des trouvailles d’expressions, des antithèses à effet, des pensées brillantes, des vers bien frappés. Mais tous ces oripeaux, toute cette habileté n’empêchent pas de voir combien le souffle, la vie, la spontanéité, la sincérité font défaut cette poésie artificielle et savante.