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Pétrone fut avant tout, fut presque exclusivement un homme de lettres, avec tous les défauts qui, en tout temps, caractérisèrent cette espèce, et avec, en plus, ceux de son époque. Cet homme, qui ne croyait à rien, croyait à la littérature, tout en la considérant, non sans motifs, comme en pleine décadence à son époque. « Sceptique en morale, dit M. Collignon, Pétrone est en littérature un homme de foi et de tradition », un classique aux idées claires, à la doctrine arrêtée.

Il voit fort bien que si l’éloquence est en décadence, c’est qu’elle perd de vue les réalités de la vie pour s’intéresser à de vaines autant qu’ingénieuses subtilités, et il semble que, dans sa prose au moins, il s’efforce, pour sa part, de revenir à la vérité, à la simplicité, au naturel.

Sa théorie de la poésie est déjà plus discutable. Il y faut, croit-il, des mots éloignés de l’usage vulgaire, ce qui conduit facilement à un style conventionnel, à une noblesse soutenue, à une élégance dont la monotonie n’est corrigée que par des alliances de mots inattendues, des traits imprévus et recherchés.

Il y faut aussi ce libre essor, ce délire, qui distingue le poète épique du simple historien. Mais il faut entendre que ce délire n’est pas dans l’âme du poète, savant ouvrier bien trop occupé de son métier pour avoir le temps d’être ému. Il suffit qu’il soit dans l’œuvre. N’est-il pas à craindre, dès lors, qu’il n’engendre que désordre et qu’obscurité, que malgré de beaux mouvements d’une spontanéité si bien calculée, l’œuvre, manquant d’élan, ne languisse et ne se traîne et que la déclamation n’intervienne pour donner une apparence de vie à ces froides combinaisons ?

Enfin les vers, et c’est encore ce qui distingue l’épopée de l’histoire, ne peuvent se passer des ornements de la fable. Cette mythologie à laquelle il ne croit plus et dont il se moque, qui n’est guère plus de son temps que matière d’érudition, cette mythologie desséchée et morte, il en fait la sub-