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« Tantôt, dit M. Collignon, il se contente de nuancer son style de la couleur de tel ou tel écrivain ; tantôt il parodie spirituellement un auteur célèbre et s’amuse à accommoder à une situation comique les réminiscences de quelque passage épique ou tragique. »

Mais « d’autres fois, quittant le ton du persiflage, il s’attache à rivaliser soit en vers, soit en prose, dans des pièces étudiées, avec un prosateur ou un poète en renom. » Ces sortes de tournoi étaient dans la tradition des Menippées aussi bien que dans le goût de Pétrone, et il n’est pas toujours facile de savoir quand le railleur s’arrête pour céder la parole au virtuose.

De même, il est bien évident que telle joute oratoire, telle délibération trop complaisamment développées à notre goût ne sont que des charges d’exercices de rhétorique alors en vogue[1].

Mais ceux qui tiennent à tout admirer dans Pétrone vont beaucoup plus loin. Posant en principe qu’il est un écrivain parfait, toutes les fois qu’ils relèvent chez lui quelque trace de déclamation, quelque faute de goût, quelque défaillance de style, ils prétendent qu’il parodie quelque ouvrage perdu comme si Pétrone, avec tant d’autres à son époque, n’avait pu pécher par trop de subtilité dans la pensée, trop de recherche dans l’expression, comme s’il n’avait pu avoir un faible pour les faux brillants, les expressions trop cherchées, les idées trop ingénieuses, les sentiments forcés. Admettons plutôt que cet infatigable railleur qui s’est tant moqué des autres se moquait aussi un peu de lui-même et cédait aux entraînements d’une plume trop experte, d’un esprit trop meublé, trop subtil et trop cultivé, sans pour cela en être dupe.

Car, et c’est à notre sens la clef de bien des mystères,

  1. « C’est quand ses personnages moralisent ou déclament qu’il s’amuse surtout à faire du Sénèque. » (Collignon, op. cit., p. 357.)