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semble que dans l’un et l’autre cas, et surtout dans le second, on lui attribue un trop grand rôle. Des personnages si naturels, si vivants, si vrais sont peints par l’auteur pour eux-mêmes, comme ils plaisent au lecteur par eux-mêmes. Si l’auteur a parfois quelque velléité de satire, pris par son sujet, il l’oublie bien vite pour s’intéresser et nous intéresser à ses originaux, pour s’en amuser et nous en amuser. On ne nous fera pas croire qu’en peignant ses pittoresques lazzaroni et ses sinistres et joyeux aventuriers, Pétrone ait eu l’œil invariablement fixé sur la cour de l’empereur et la société élégante de Rome.

Il n’est pas si rare que les gens du monde blasés sur toutes les jouissances que donne le luxe, dégoûtés de leurs pareils qu’ils méprisent, dégoûtés d’eux-mêmes et du vide de leur existence, se plongent dans la crapule dans l’espoir d’y trouver la vie, le naturel, l’imprévu, tout ce qui leur manque. Il n’est pas si rare non plus qu’un délicat, qu’un raffiné, qu’un artiste aille demander à la vie populaire des impressions plus suaves, plus franches, plus naïves que celles que peuvent lui fournir une société raffinée mais artificielle, une vie élégante mais conventionnelle.

Quel est donc au juste le rôle de la parodie dans Pétrone : où commence-t-elle ? où s’arrête-t-elle ? Question délicate, sans doute même insoluble, question pourtant dont la solution préalable serait, plus que toute autre, indispensable à l’intelligence de son œuvre.

Sans doute un auteur qui, comme le Régent, ne voyait guère dans le monde que deux sortes d’hommes : les sots et les fripons, qui s’interdisait l’indignation comme inélégante, peut-être même comme peu intelligente, qui par surcroît était plus choqué par les ridicules et par la bêtise des hommes que par leurs vices et dont toute la morale semble se réduire au bon goût, sans doute un tel auteur n’avait guère d’autre refuge que l’ironie, une ironie douce et souriante, et d’autre moyen de la traduire sans méchan-