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sonnages n’invoquent plus Jupiter ou Neptune, mais Cybèle, Isis, Priape ou les astres, et surtout ce dieu de ceux qui n’en ont plus : Sors, Fortuna, Fatum. Chacun, en revanche, a son génie, qu’il faut bien se garder d’offusquer ; enfin ce ne sont plus que cérémonies magiques, pratiques puériles, histoires terrifiantes de sorcières et de loups-garous. Pétrone n’a que des sarcasmes et pour la religion qui s’en va et pour la superstition qui monte. La mythologie riante de l’antiquité n’est plus pour lui que matière à petits vers érudits, les croyances nouvelles qu’un thème à discrètes railleries et qu’une mine d’horrifiques narrations. Quant au christianisme, il ne semble même pas en soupçonner l’existence.

La divinité lubrique des jardins occupe la place d’honneur dans le roman de Pétrone. Un érudit allemand, M. Elimar Klebs, en prend texte, dans une savante et ingénieuse dissertation, pour soutenir que le véritable sujet du Satyricon c’est la colère de Priape, comme la colère d’Achille est celui de l’Iliade, la colère de Neptune celui de l’Odyssée, la colère de Junon celui de l’Enéide. Il semble bien qu’Encolpe, jadis, a offensé le dieu paillard. Où et comment ? C’est ce qu’expliquait sans doute la partie perdue du roman. Quoi qu’il en soit, le dieu n’oublie pas sa vengeance. C’est lui qui livre Encolpe aux obsessions de sa prêtresse Quartilla, la femme crampon ; c’est lui qui, par un songe révélateur sur le vaisseau, le fait tomber entre les mains de ses ennemis, Lychas et Tryphène, d’abord furieux, puis par trop aimables avec lui ; c’est lui qui le rend lamentablement insuffisant dans ses conversations amoureuses avec Circé, et c’est à lui enfin que s’adressent les prières et les cérémonies expiatoires auxquelles sa victime croit devoir recourir.

Le Satyricon ne serait donc d’un bout à l’autre qu’une parodie des vénérables épopées classiques où la verve bouffonne de l’auteur et son impiété frondeuse trouvaient également l’occasion de s’exercer.