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cette Matrone tant célébrée, sont des pièces accomplies, et les vers que l’auteur s’est passé la fantaisie d’insérer à travers sa prose, à la différence de ce qu’offrent en français ces sortes de mélanges, ont une solidité et un brillant qui en font de vraies perles enchâssées[1]. »

6. Pétrone devant la critique moderne. — De tout ce qui précède, le lecteur se croirait peut-être en droit de conclure que nous ne savons rien de certain sur Pétrone et son œuvre. La science contemporaine, avec ses méthodes patientes et prudentes, est pourtant arrivée à certaines conclusions qui, pour modestes qu’elles soient, n’en ont pas moins l’avantage d’être certaines. Le texte très altéré de Pétrone a été rétabli et minutieusement commenté par MM. Bücheler et Friedlander, dont nous avons généralement adopté les conclusions dans cette traduction. Sur plusieurs points même, les progrès récents de la critique et de l’histoire ont éclairé la physionomie de Pétrone d’un jour inattendu à mesure que l’état des mœurs et des lettres sous l’Empire nous devenait mieux connu, en le replaçant dans son temps et dans son milieu on a mieux compris et ce qu’il était et ce qu’il a voulu.

Pétrone était un épicurien, mais sans doute un épicurien à la manière d’Horace : profondément imbu de la doctrine philosophique du maître qui transparaît dans plusieurs passages du Satyricon, il s’inspire de Lucrèce dans divers fragments qui nous sont parvenus. Mais il n’y a pas d’apparence qu’il allât jusqu’à admettre ni surtout jusqu’à appliquer l’austère morale du philosophe.

C’était un sceptique élégant qui ne voulait être dupe de rien, ni des dieux, ni des hommes. Le paganisme officiel apparaît dans son œuvre en pleine décadence : ses per-

  1. « Ce style incomparable dans sa gracieuse négligence et dans son allure tranquille au milieu des plus scabreux défilés », a dit de son côté Prévost-Pardol.