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ces amours et de ces couples ; dépeignant, en une langue splendidement orfévrée, sans que l’auteur se montre une seule fois, sans qu’il se livre à aucun commentaire, sans qu’il approuve ou maudisse les actes et les pensées de ses personnages, les vices d’une civilisation décrépite, d’un empire qui se fêle, poignait des Essentes, et il entrevoyait dans le raffinement du style, dans l’acuité de l’observation, dans la fermeté de la méthode, de singuliers rapprochements, de curieuses analogies avec les quelques romans français modernes qu’il supportait[1]. »

Citons, pour conclure, une page de Sainte-Beuve, qui, tout en faisant les réserves nécessaires, explique excellemment pourquoi Pétrone, comme Rabelais, au dire de La Bruyère, où il est bon va jusqu’à l’exquis et à l’excellent, et peut être le mets des plus délicats[2].

« Pétrone[3], livre charmant et terrible par tout ce qu’il soulève de pensées et de doutes dans une âme saine ! Ce Satyricon est bien l’œuvre d’un démon. Que la composition y soit absente, que l’intention générale reste énigmatique, eh ! qu’importe ? Chaque morceau en est exquis, chaque détail suffit pour engager. Je ne me flatte pas d’avoir rompu toute l’enveloppe, et je n’y ai pas visé le moins du monde ; j’ai lu, j’ai glissé, et il m’a suffi de cet à peu près facile pour apprécier du moins, au milieu de tout ce qui m’échappait, la façon de dire vite et bien, la touche légère, l’élégante familiarité, cette nouveauté qui n’est pas tirée de trop loin et qui rencontre aisément ce qu’elle cherche, curiosa felicitas, comme Pétrone a dit lui-même d’Horace en un mot, ce cachet qui a caractérisé de tout temps les écrivains maîtres en l’art de plaire. Quelques narrations, parmi lesquelles se détache le conte de

  1. J.-K. Huysmans : A rebours (Charpentier, 1884, Paris), pp. 40 et suiv.
  2. La Bruyère, Caractères, chap. I : Des ouvrages de l’esprit.
  3. Sainte-Beuve, Portraits litt., tome III, p. 107.