Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Le dernier vers, traduit mot à mot, est plat, incohérent, ridicule ; il ternit toutes les grâces des précédents ; il présente l’idée funeste d’une mort véritable. Pétrone ne sait presque jamais s’arrêter. C’est le défaut d’un jeune homme dont le goût est encore égaré. C’est dommage que ces vers ne soient pas faits pour une femme ; mais enfin il est évident qu’ils ne sont pas une satire de Néron. Ce sont les vers d’un jeune homme dissolu qui célèbre ses plaisirs infâmes.

« De tous les morceaux de poésie répandus en foule dans cet ouvrage, il n’y en a pas un seul qui puisse avoir le plus léger rapport avec la cour de Néron. Ce sont tantôt des conseils pour former les jeunes avocats à l’éloquence de ce que nous appelons le barreau, tantôt des déclamations sur l’indigence des gens de lettres, des éloges de l’argent comptant, des regrets de n’en point avoir, des invocations à Priape des images ou ampoulées ou lascives ; et tout le livre est un amas confus d’érudition et de débauches, tel que ceux que les anciens Romains appelaient Satura. Enfin c’est le comble de l’absurdité d’avoir pris, de siècle en siècle, cette satire pour l’histoire secrète de Néron ; mais, dès qu’un préjugé est établi, que de temps il faut pour le détruire[1] ! »

Relevons, en terminant, dans le siècle de Louis XIV, ce verdict bref et incisif :

« Quel homme sensé, en lisant cet ouvrage licencieux, ne jugera pas qu’il est d’un homme effréné, qui a de l’esprit, mais dont le goût n’est pas encore formé qui fait tantôt des vers très agréables, et tantôt de très mauvais ; qui mêle les plus basses plaisanteries aux plus délicates, et qui est lui-même un exemple de la décadence du goût dont il se plaint[2]. »

  1. Voltaire : « Le Pyrrhonisme de l’histoire », chap. XIV. Éd. cit., t. XXVII, pp. 261-264.
  2. Éd. cit., t. XIV, p. 112.