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civile, dans lequel Pétrone, dit-on, prétendit lutter contre Lucain, l’abbé Desfontaines s’écrie : « Quelle finesse dans la peinture des vices des Romains et des défauts de leur gouvernement que d’esprit dans ses fictions ! Ces beautés sont relevées par un style mâle et nerveux, en faveur duquel on doit pardonner au poète quelques fautes contre l’élocution, et certains traits qui sentent le rhéteur. » Fréron, dont le goût fut presque toujours d’accord avec la raison quand il ne jugea que les anciens, parle de Pétrone dans le sens de Desfontaines : « Son pinceau, dit-il, respire partout la chaleur de l’imagination et la délicatesse de l’esprit ; il est riant dans ses descriptions, coulant, net et facile dans sa narration, admirable dans ses vers, et, ce qui le caractérise plus particulièrement, il est toujours fin et délicat en fait de galanterie, quand il parle de celle que la nature avoue. » Je fais grâce des éloges prodigués à Pétrone par ses différents traducteurs, ils pourraient paraître suspects ; mais on me permettra, du moins, d’opposer à ses censeurs les suffrages de Saint-Evremond. De tous les panégyristes de Pétrone, aucun n’eut plus de ressemblances morales avec son héros que cet ingénieux épicurien ; et comme nul n’apprécia notre auteur avec plus de connaissance de cause, nul aussi ne l’a vanté avec plus d’esprit.

« Ce n’est pourtant pas sans quelque injustice peut-être, ou du moins sans un peu de prévention, que Saint-Evremond, après Douza, semble élever au-dessus de la Pharsale l’Essai de Pétrone sur la Guerre civile, et même son Fragment de la guerre de Troie. Mais, si le premier de ces morceaux, à peine composé de trois cents vers, ne peut être mis en parallèle avec aucun poème en dix chants, il n’en étincelle pas moins de beautés sublimes. Quant au fragment de la prise de Troie, son seul défaut peut-être est de rappeler un des plus beaux épisodes de l’Enéide : sans le Laocoon de Virgile, celui de Pétrone pourrait passer pour un chef-d’œuvre.