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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

des discours plus honnêtes que les convives de Trimalcion ; à l’exception de quelques vers heureux, de deux ou trois contes agréables, tout le livre n’est qu’un amas confus d’images ampoulées ou lascives, d’érudition ou de débauches. Selon Baillet et Tiraboski, on y rencontre des tours ingénieux et de jolies pensées ; mais ces beautés sont obscurcies par l’inégalité du style, par des mots barbares, par des récits où l’on ne comprend rien. C’est peut-être, ajoutent-ils, la faute des copistes ; mais l’ouvrage, en somme, ne méritait pas les peines qu’on s’est données pour en rechercher et recoudre les lambeaux. Leclerc maltraite encore plus Pétrone. Mais c’est trop longtemps parler de ses détracteurs ; écoutons enfin ses panégyristes.

« A la tête des nombreux admirateurs de Pétrone marchent Vossius et Douza, Turnèbe et Pithou, Briet et Ronsin. Les censures même hasardées contre Pétrone sont mêlées, disent-ils, d’éloges arrachés par la force de la vérité ; et, dans la bouche d’un ennemi, la louange est d’un bien plus grand poids que les reproches. Cette barbarie même et cette bassesse d’expression, qui paraissent défigurer quelquefois le style de Pétrone, sont aux yeux de Ménage le chef-d’œuvre de l’art ; il ne les a placées que dans la bouche des valets et des débauchés sans délicatesse. Voyez, au contraire, avec quelle élégance il fait parler les gens de la bonne compagnie. Pétrone donne à chacun de ses acteurs le langage qui lui convient. Ce mérite est d’autant plus précieux qu’il est plus rare ; et les ombres. qu’un peintre habile répand dans ses tableaux en rendent les beautés plus saillantes. Barthius trouve réunies dans Pétrone seul, quand il n’est pas défiguré par l’ignorance des copistes, toutes les finesses de Plaute, toutes les grâces de Cicéron ; et Juste Lipse l’appelle auctor purissimœ impuritatis. Telle était l’admiration du vainqueur de Rocroi pour Pétrone, qu’il pensionnait un Lecteur, uniquement chargé de lui réciter le Satyricon. En parlant du poème de la Guerre