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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

comme s’exprime élégamment Porphyrion, multis et variis rebus hoc carmen refertum est[1].

« Le vulgaire des écrivains, gens dénués d’érudition, ont simplement distingué la satyre en deux espèces. L’une, ont-ils dit, tend directement à réformer les mœurs ou à ridiculiser les travers de l’esprit humain. Ceux qui la craignent l’accusent de misanthropie ou de malignité. C’est sans doute pour adoucir l’austérité du précepte ou l’acerbe du sarcasme qu’elle emprunte à la poésie les grâces de son langage. Sœur cadette de la comédie, elle n’en diffère que dans sa forme. Elle est plus courte et n’est pas. essentiellement dramatique. Horace, Juvénal et Perse ont porté dans Rome cette espèce de satyre à sa perfection ; elle n’a point dégénéré en France sous la plume des Régnier, des Boileau, des Gilbert.

» La seconde espèce de satyre est celle qu’on nomme Ménippée. Le plus savant des Romains, Varron, la mit en honneur chez ses concitoyens. Si son but est également d’instruire, elle y vise par des détours plus cachés : plaire est son premier désir, l’instruction chez elle n’est que secondaire. Ses tableaux plus variés embrassent toutes les scènes de la vie, comme toutes les branches de la littérature. Son caractère distinctif est un mélange agréable de prose et de vers. La fiction est son arme favorite ; sa marche approche de celle du roman dont elle usurpe impunément l’étendue. Elle caresse plus souvent qu’elle n’égratigne ; et pour faire aimer la vertu, elle l’affuble, quelquefois des livrées de la folie. L’Apocolokyntosis de Sénèque, le Misopogon de l’empereur Julien, la Consolation de Boêce sont autant de Ménippées. La France peut leur comparer sans honte le Pantagruel de Rabelais, le Catholicon d’Espagne, la Pompe funèbre de Voiture, par Sarrazin.

  1. Chez Ennius la satire était également caractérisée par le mélange de différents mètres.