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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

Claude dans Trimalcion, Agrippine dans Fortunata, Lucain dans Eumolpe, Sénèque dans Agamemnon : Tiraboski, Burmann et Dotteville semblent pencher de ce côté[1]. Selon les deux Valois, le Satyricon n’est que le tableau ordinaire de la vie humaine, une véritable Ménippée, mêlée de prose et de vers, dans le goût de Varron, une satyre générale des ridicules et des vices qui appartiennent à tous les peuples, à tous les temps. Quelques-uns ont presque fait de Pétrone un casuiste : ils y voient à chaque page des sermons très édifiants ; et le Satyricon est, à leur avis, un traité complet de morale, qui vaut bien celui de Nicole. C’est du moins ce que semble insinuer Burmann, quand il appelle Pétrone virum sanclissimum. L’ingénieux Saint-Evremond a réfuté, d’une manière agréable, ce dernier sentiment. A l’appui de cet écrivain, Leclerc, toujours caustique, ajoute avec un peu d’humeur : « Que dirait-on d’un peintre qui, pour inspirer l’horreur du vice, tracerait avec toute la délicatesse possible les postures de l’Arétin ? » Enfin, si l’on en croit Macrobe, le Satyricon est un pur roman dont l’unique but est de plaire.

« Je ne vois pas trop ce qu’on pourrait opposer à l’autorité de Macrobe. Il fut l’écrivain du quatrième siècle le plus versé dans la connaissance de l’antiquité ; sa sagacité dans la critique égalait sa vaste érudition. Il vivait dans un temps où l’on ne pouvait encore avoir perdu le secret du Satyricon, s’il eût renfermé quelque mystère. Son opinion individuelle peut donc ici passer pour celle de ses contemporains, et, dans le cas où l’une eût différé de l’autre, un auteur aussi judicieux aurait-il manqué d’exposer au lecteur les motifs qui l’engageaient à s’écarter du sentiment général ? Parmi les modernes, Huet, Leclerc, Basnage se sont rangés à l’avis de Macrobe. Défions-nous de ces esprits systématiques ou malins, qui se plaisent à torturer un auteur pour lui faire penser ce qu’ils eussent

  1. Lavaur intitule sa traduction : Histoire secrette de Néron !