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la chambre et, le voyant son testament en main, le prièrent instamment de leur permettre d’en écouter la lecture. Il y consentit sur-le-champ et le leur lut de la première ligne à la dernière. Mais à l’ouïe de la clause peu banale, les concernant, leurs nez s’allongèrent. Cependant ’ sa grande réputation de richesse aveuglait si bien ces malheureux ‘ et ils se montraient si plats en sa présence, que personne n’osa se plaindre d’une telle nouveauté. L’un d’eux, nommé ’ Gorgias, se déclara même tout disposé à en passer par là, ‘ à condition qu’Eumolpe ne le fît pas trop longtemps attendre.

A quoi ce dernier répondit : ’ « Je n’ai pas lieu de craindre que votre estomac refuse mon legs. Il sera docile si pour un mauvais dîner vous lui promettez la compensation d’une foule de bons repas. Vous n’aurez qu’à fermer les yeux et à vous figurer que ce ne sont pas les entrailles d’un homme, mais en réalité cent millions de sesterces que vous mangez. Ajoutez aussi que nous inventerons bien quelque assaisonnement pour changer le goût de ma chair. Car aucune viande par elle-même ne plaît à notre estomac, mais l’art du cuisinier les lui déguise de façon qu’il s’en arrange.

S’il vous faut des exemples à l’appui de mon opinion, les habitants de Sagonte, pressés par Hannibal, se nourrirent de chair humaine et ce sans en attendre aucun héritage. Ceux de Pérouse, pressés par une extrême disette, en firent autant sans chercher par ce mode d’alimentation à capter autre chose que les tiraillements de leur estomac. Quand Scipion prit Numance, il y trouva des mères qui portaient sur leur sein le corps à demi dévoré de leur enfant. ‘ Bref, comme seule l’imagination est l’auteur de votre dégoût pour la chair humaine, vous trouverez bien en vous assez d’énergie pour triompher de cette