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thée revenant avec un vieux tesson plein de braise. Je bats donc en retraite et, jetant là mon manteau, je me tiens sur la porte dans l’attitude d’un homme attendant quelqu’un qui ne vient pas. Elle plaça la braise sur un tas de roseaux secs, mit dessus plusieurs morceaux de bois, s’excusa d’avoir tant tardé : son amie, dit-elle, n’avait pas voulu la laisser partir sans avoir, pour la bonne règle, mis à sec trois verres[1] : « Et toi, ajouta-t-elle, qu’as-tu donc fait pendant mon absence et où sont donc mes fèves ? »

Croyant mériter toutes les louanges, je lui exposai pas à pas tous les détails du combat, et pour la consoler de la perte de son oie, je lui offris de l’en indemniser. Mais dès qu’elle vit le cadavre, la vieille se mit à pousser de tels cris qu’on aurait cru à une nouvelle invasion des oies. Troublé par ce vacarme et tout étonné du crime qu’on me reprochait, je demandai à la vieille pourquoi elle se fâchait et pourquoi elle se désolait plus de la mort de son oie que de ma blessure.

CXXXVII. NOUVEAUX PRÉPARATIFS

Mais elle, choquant ses mains d’indignation : « Scélérat, dit-elle, et tu oses encore parler ? Tu ignores donc l’énormité de ton forfait ? Tu viens d’occire les délices de Priape, l’oie dont toutes vos dames raffolaient[2]. Et pour que tu ne croies pas que c’est une peccadille, si nos magistrats en avaient connaissance, tu serais mis

  1. Les buveurs s’imposaient la règle de boire ou trois coups ou trois fois trois coups. Ausone : dit « Bois trois fois, ou trois fois trois, telle est la loi mystique. »
  2. C’est que, d’après une tradition que nous a conservée Pausanias, pour séduire Léda, Jupiter se serait changé, non en cygne, mais en oie. Virgile dit la même chose dans le poème de Ciris.