Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rir cette maladie. Et, pour que vous ne croyiez pas que j’exagère, je demande seulement que ce jeune homme couche une nuit avec moi je vous le rendrai plus dur que le fer. »

Tout ce que tu vois sur le globe m’obéit. La terre fleurie,
Si je le veux, tous ses sucs épuisés, languira desséchée ;
Si je le veux, elle répand ses trésors : des montagnes et des âpres rochers
Jaillisent les eaux abondantes d’un Nil. La mer me soumet
Ses flots calmés, et les zéphyrs silencieux déposent
A mes pieds leur souffle. C’est à moi qu’obéissent les fleuves
Et les tigres d’Hyrcanie et les dragons immobilisés d’un geste.
Et pourquoi m’arrêter à ces bagatelles ? L’image de la lune descend du ciel,
Enchaînée par mes incantations, et Phébus, affolé,
Est forcé, sa course achevée, de tourner bride malgré ses chevaux furieux,
Tant ma parole a de force ! Le feu des taureaux s’apaise,
Eteint dans un sein virginal. Circé, fille du Soleil,
Par ses chants magiques changea en bêtes les compagnons d’Ulysse ;
Protée peut devenir tout ce qu’il veut. Moi, rompue à toutes ces pratiques,
Je ferais descendre les arbres de l’Ida au gouffre des mers
Et rétrograder les fleuves jusqu’au sommet des montagnes.

CXXXV. PRÉPARATIFS DE LA CÉRÉMONIE

Effrayé d’une promesse aussi bizarre, je frémis tout en regardant cette vieille de tous mes yeux. « Allons, s’écrie-t-elle alors, prépare-toi à m’obéir ! » Et, s’étant lavé les mains avec un soin extrême, elle se penche sur le lit et me donne deux gros baisers. Puis elle pose au milieu de l’autel une vieille table qu’elle couvre de charbons ardents et elle répare une coupe en bois, crevassée par le temps, avec de la poix fondue, et repique dans la muraille le clou qu’elle avait détaché en décrochant la coupe. Enfin, ceinte d’un morceau de toile carré, elle met sur le feu un énorme chaudron et, avec une fourche, décroche dans son garde-manger un sac où il y avait des fèves pour son usage personnel, ainsi qu’un vieux reste de crâne, tailladé de mille coups.

Elle délie le cordon, répand sur la table une partie des