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pied sur une ordure ou sur un cadavre[1] ? Tu n’as même pas pu t’en tirer à ton honneur avec Giton : mais mou, faible, fatigué comme un vieux cheval sur une pente, tu as perdu et ta peine et ta sueur. Non content d’être toi-même en faute, tu as attiré sur moi la colère des dieux : et tu crois que tu ne me le payeras pas ? »

Là-dessus, elle me conduit, sans que j’ose résister, dans la chambre de la prêtresse, me pousse sur le lit, prend un bâton à la porte et me frappe à tour de bras sans que j’ose rien dire. Et si la canne brisée du premier coup n’avait pas ralenti son élan, elle m’eût, je crois, rompu les bras et la tête. Je ne pus retenir mes gémissements, quand elle se mit en devoir de me masturber, et comme mes larmes coulaient en abondance, je me renversai sur l’oreiller en cachant la tête sous mon bras.

Quant à elle, tout en larmes, elle s’assit au pied du lit, accusant d’une voix tremblante le destin de prolonger inutilement son existence, tant et si bien que la prêtresse finit par venir. « Qu’êtes-vous venus faire dans ma chambre ? Pourquoi pleurez-vous comme devant un bûcher ? Et surtout en ce jour où même les affligés doivent rire. »

« O Œnothée ! répondit la vieille, ce jeune homme que vous voyez est né sous une mauvaise étoile : il ne sait vendre sa marchandise ni aux garçons ni aux filles. Tu n’as jamais vu homme plus impuissant. Ce n’est pas un braquemard qu’il a, c’est un vieux cuir trempé dans l’eau. Et, pour tout dire en un mot, que pensez-vous d’un homme qui sort du lit de Circé sans avoir joui ? »

A ces mots, Œnothée vient s’asseoir entre nous deux et branlant la tête : « Je suis seule capable, dit-elle, de gué-

  1. Les anciens considéraient comme une impureté qu’il fallait expier de toucher un cadavre.