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Mais après m’être frotté la tête : « Qu’ai-je donc fait de si mal, m’écriai-je, en soulageant ma douleur par des invectives si naturelles ? Eh quoi, nous pourrions dire du mal de notre ventre, de notre bouche ou encore de notre tête quand ils nous font souffrir un peu trop souvent ? Quoi, Ulysse ne se dispute-t-il pas avec son cœur ?[1] Et les personnages de tragédie ne s’en prennent-ils pas à leurs yeux, comme si ceux-ci pouvaient les entendre ? Les goutteux maudissent leurs pieds ou leurs mains, les chassieux leurs yeux et ceux qui se blessent aux doigts s’en prennent à leurs pieds qu’ils frappent contre terre.

Qu’avez tous, sévères Catons, à me regarder d’un front sourcilleux ?
Condamnez-vous la neuve simplicité de mon œuvre ?
De ces simples récits la grâces sans tristesse sait sourire ;
Tout ce que font les gens, pourquoi ne pas le dire d’une langue sincère ?
Qui donc ignore les douceurs de l’alcôve, les plaisirs de Vénus ?
De quel droit interdire de se dégourdir les membres dans un lit bien chaud ?
Le père de toute sagesse lui-même, Épicure, ne prescrit-il pas aux sages
D’aimer, n’est-ce pas là qu’il voit le but de l’existence ?

Rien n’est plus absurde qu’un sot préjugé, ni plus ridicule qu’une sévérité de commande.

CXXXIII. SUPPLICATIONS A PRIAPE

Ces réflexions terminées, j’appelle Giton : « Dis-moi, frère, mais bien franchement cette nuit où tu me fus soufflé par Ascylte, a-t-il poussé jusqu’aux derniers outrages ou s’est-il contenté de passer avec toi une nuit tranquille et chaste ? » L’enfant porta la main à ses yeux et jura en termes catégoriques qu’Ascylte ne lui avait fait aucune violence.

  1. Au XXe livre de l’Odyssée, v. 13 et suivants, Ulysse se propose de châtier les servantes qui ont introduit les prétendants chez lui. C’est là qu’il est dit qu’il se dispute avec son cœur.