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Tant que tu vis, dit-elle, il faut espérer. Et toi, rustique gardien des champs,
Priape à la verge tendue, sois présent, aide-nous.

Cette invocation achevée, elle m’ordonna de cracher trois fois et de jeter trois fois dans ma robe de petits cailloux qu’elle avait roulés dans de la pourpre après les avoir enchantés et, approchant les mains, elle se mit à tâter mes parties pour se rendre compte du résultat. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, ma verge obéit au commandement et remplit, non sans une vive agitation, la main de la vieille. Alors celle-ci s’écrie triomphante : «  Vois, ma Chrysis, vois quel lièvre j’ai levé ; malheureusement ce n’est pas pour moi ! » ‘ Ceci fait, la vieille me remit entre les mains de Chrysis, tout heureuse de rapporter à sa maîtresse le trésor qu’elle avait perdu. Elle me conduisit en hâte auprès d’elle et m’introduisit dans une retraite des plus charmantes où se voyait tout ce que la nature peut offrir d’agréable aux yeux ’.

La, l’élégant platane répandait les ombres de l’été
Et le laurier couronné de baies, et les cyprès frémissants,
Et les pins bien taillés à la cime ondoyante.
Et parmi ces bosquets se jouait, onde vagabonde, le fleuve
Écumeux, roulant les cailloux dans son cristal sonore.
Digne cadre pour nos amours, j’en atteste le champêtre Aédon
Et Procné la citadine, qui çà et là, autour des gazons
Semés de douces violettes, célébraient de leurs chants leurs amoureux larcins.

Circé, couchée, pressait ses seins d’albâtre sur un lit d’or et agitait dans l’eau tranquille un rameau de myrte fleuri. En m’apercevant, elle rougit un peu au souvenir de mes dédains de la veille, mais quand, ayant renvoyé ses femmes, elle m’eut invité à m’asseoir près d’elle, elle plaça le rameau devant mon visage, puis, comme rassurée par ce léger obstacle : « Eh bien, paralytique, me dit-elle, êtes-vous venu aujourd’hui avec tous vos bagages ? »