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lettre de reproches : « Ce qui vous est arrivé, dit-elle, n’a rien d’extraordinaire, surtout dans cette ville où les femmes, par leurs sorcelleries, font même descendre la lune du ciel. Le mal n’est donc pas sans remède : écrivez seulement un mot aimable à ma maîtresse et rentrez dans ses bonnes grâces par un aveu loyal de vos torts. Car il faut bien que je vous dise la vérité depuis qu’elle a reçu cet affront, elle ne se possède plus. » Je suivis volontiers les conseils de cette servante et voici la lettre que j’écrivis :

CXXX. LETTRE DE POLYÆNOS A CIRCÉ

« Polyænos à Circé, salut. J’avoue, madame, avoir commis bien des fautes dans ma vie car je suis un homme et même un très jeune homme. Pourtant jusqu’à ce jour je n’avais jamais mérité la mort.

« Vous avez devant vous un coupable repentant. Quelque châtiment que vous ordonniez, je l’ai mérité. Je suis un traître, un meurtrier, un sacrilège. Pour ces crimes, cherchez des supplices qui en soient dignes. S’il vous plaît que je meure, me voici avec mon épée ; si vous vous contentez de me battre, j’accours le dos nu vers ma maîtresse.

« Veuillez cependant ne pas oublier que ce n’est pas moi qui suis en faute, mais mes outils : soldat prêt pour la lutte, les armes m’ont manqué. Qui me les a prises, je ne sais. Peut-être mon imagination trop vive a-t-elle devancé de trop loin mes organes, peut-être mes désirs trop pressés m’avaient-ils prématurément conduit jusqu’au plaisir. Je ne comprends pas ce qui m’est arrivé. Vous me dites de craindre la paralysie : comme s’il pouvait y en avoir une plus grande que celle qui m’a privé des moyens de vous