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Et s’empare du trésor. Mais aussi la sueur mouille les tempes,
Et cette peur intense envahit l’âme que par hasard
Celui qui connaît ce trésor caché ne s’en vienne fouiller votre sein trop lourd :
Puis quand bientôt cette joie se dissipe dans l’âme déçue
Et qu’on revient à la réalité, l’esprit regrette ce qu’il vient de perdre
Et de nouveau se plonge tout entier dans l’illusion qui fuit.

‘ Que ma mésaventure ne fût qu’un songe, qu’une véritable hallucination, cela me paraissait certain. Longtemps je restai tellement privé de toute force que je ne pus me lever. Enfin mon accablement se dissipa un peu, je recouvrai quelque vigueur et je pus rentrer chez moi, où, feignant une indisposition, je me jetai sur mon lit.

Un instant après, Giton, ayant appris que je n’étais pas bien, arriva tout triste dans ma chambre. Pour calmer ses inquiétudes, je lui dis ne m’être mis au lit que pour me reposer un peu ; je lui racontai mille autres choses, mais de ma mésaventure rien, tant je craignais sa jalousie, et pour écarter de son esprit tout soupçon, le faisant coucher à mes côtés, je me mis en devoir de lui donner une preuve de mon amour. Mais soupirs et sueurs restèrent vains. Il se leva donc très en colère, se plaignit de la diminution de ma vigueur et de l’affaiblissement de ma tendresse et conclut en déclarant que depuis longtemps il se doutait que je devais employer ailleurs et mes forces et mon amour. « Mais non. lui dis-je, petit frère, mon amour pour toi reste toujours le même, seulement, à mon âge, la raison vainc l’amour et ses ardeurs. — En ce cas, dit-il ironique ’, je vous rends grâces de m’aimer à la manière de Socrate : jamais Alcibiade ne sortit plus pur du lit de son maître[1]. »

  1. Plutarque, dans le discours premier sur les vertus d’Alexandre dit : Socrate couchait près d’Alcibiade sans violer la chasteté.