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d’entretien[1]. « Vous vous trompez sans doute, lui dis-je tout troublé ; je suis esclave et étranger, donc fort peu digne d’une telle faveur. »

CXXVI. POLYÆNOS RENCONTRE CIRCÉ

« Non, c’est bien de vous qu’il s’agit, dit-elle, mais ’ conscient de votre beauté, vous faites le dédaigneux : vous vendez vos caresses, vous ne les donnez pas. A quoi riment ces cheveux assouplis par le peigne, ce visage savamment fardé, la douce vivacité de ces yeux, cette démarche composée à loisir et ces pas eux-mêmes qui ne s’écartent jamais de la mesure voulue, si vous ne prostituez votre beauté pour en faire de l’argent ?

« Regardez-moi bien : je n’entends rien aux augures et je ne sais pas scruter le ciel comme un astrologue. Cependant, à la seule inspection du visage, je connais les habitudes des hommes et, rien qu’à vous voir vous promener, j’ai deviné votre pensée. Donc, ou bien vendez-nous ce que nous venons vous demander — et dans ce cas l’acheteur est à deux pas, — ou bien consentez, ce qui serait plus généreux, à nous le prêter — et je resterai votre obligée. Car de nous avouer que vous êtes de condition servile et modeste, cela ne peut qu’irriter encore notre caprice ; il y a des femmes qu’enflamme l’odeur des haillons et qui ne parviennent à s’exciter qu’en présence d’un esclave ou d’un valet à la robe retroussée. L’une se consume pour un gladiateur, l’autre pour un muletier tout couvert de

  1. L’épisode qui commence ici a été imité par Mathurin Régnier (Elégie IV) et par Bussy-Rabutin qui, racontant la prétendue mésaventure du comte de Guiche avec la comtesse d’Olonne, ne fait guère que traduire Pétrone (Histoire d’Ardélise et de Trimalet).