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CXXV. OU EUMOLPE FAIT FORTUNE

Nous étions ainsi depuis longtemps à Crotone, et Eumolpe, jouissant d’un bonheur sans mélange, avait oublié dans quel état il y était arrivé, au point de se vanter de jouir d’un crédit auquel nul ne pouvait résister et, grâce à ses relations, de pouvoir assurer J’impunité à ses amis ; s’il leur arrivait de commettre quelque délit dans la ville.

Quant à moi, grâce aux biens qui, chaque jour, affluaient chez nous, de plus en plus, je m’étais refait, et, devenu replet, je commençais à espérer que la Fortune se lassait de me poursuivre, sans que cela m’empêchât de réfléchir de temps en temps et à ma situation présente et à la cause qui l’avait produite : « Qu’arriverait-il, me demandais-je, si quelque coureur de testaments, plus malin que les autres, avait l’idée d’envoyer prendre des renseignements en Afrique et découvrait tous nos mensonges, ou bien si le valet d’Eumolpe, las dé son bonheur présent, allait donner l’alarme à nos amis et, nous trahissant par jalousie, révélait toute la fourberie ? Nous n’aurions plus qu’à nous enfuir, et, retombant dans la dèche, à recourir de nouveau pour vivre à la mendicité. Grands dieux ! Combien restent toujours en mauvaise posture ceux qui vivent en marge de la loi ! Ils doivent s’attendre, un jour ou l’autre, à être traités comme ils le méritent. »

« En roulant ces sombres pensées, je sors de la maison pour me distraire en faisant un tour au grand air ; mais j’étais à peine sur la promenade publique qu’une fille assez bien m’aborda, et m’appelant Polyænos, nom que j’avais pris depuis ma métamorphose, me dit que sa maîtresse me demandait de vouloir, bien lui accorder un instant