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Crèvent, que les vents rompus par la tourmente
S’élèvent, que la grêle en grains énormes déchire le ciel.
Mais les nuages rompus venaient tomber jusque sur nos armes
Et les flots gelés se choquaient comme une onde solide.
La terre était vaincue par toute cette neige, vaincu l’éclat
Des étoiles du ciel, vaincus les fleuves que le froid attache à leurs rives
Mais César ne l’est pas encore appuyé sur sa longue lance,
De sa hache il fend pour s’ouvrir la route ces champs affreux :
Tel dévalant des cimes du Caucase
Le fils d’Amphitryon, ou Jupiter, le regard farouche,
Se laissant tomber du sommet de l’Olympe
Pour disperser les armes des géants voués au trépas.

Tandis que César impatient voit s’abaisser sous ses pas ces sommets orgueilleux.
Effrayée, s’élevant sur ses plumes légères,
La Renommée ailée vole et gagne le sommet le plus haut du Palatin
Et, par ce coup de tonnerre tombant sur Rome, fait frémir les enseignes
« Déjà les flottes voguent sur la mer et, à travers toutes les Alpes
Bouillonnent ces escadrons baignées de sang germain. »
Les armes, le sang, le meurtre, les incendies, toute la guerre enfin
Volent déjà devant leurs yeux. Agités par tant d’alarmes,
Les cœurs effrayés hésitent entre deux partis :
L’un se décide à fuir par terre, l’autre préfère les eaux,
La mer, déjà plus sûre que la patrie. Tel voudrait
Tenter le sort des armes et en appeler au sort.
Plus on craint, plus on fuit. Plus prompt, le peuple lui-même
Au milieu de cette agitation, chose déplorable,
Allant où son esprit frappé le pousse, fuit la ville abandonnée.
Rome se comptait dans la fuite, et les citoyens en déroute
Dans un bruit confus de voix abandonnent leurs toits en deuil.
L’un d’une main craintive conduit ses enfants, l’autre cache dais son sein
Ses pénates, franchit un seuil qu’il ne doit plus revoir
Et assassine de ses malédictions un ennemi absent.
Il en est qui pressent leur épouse sur leur cœur attristé,
Et les pères âgés, aussi bien que la jeunesse ignorante du fardeau de la vie,
Chacun se charge de ce qu’il craint de perdre. Prenant tout ce qu’il a,
L’imprudent l’emporte avec lui, amenant du butin au combat.
Et comme quand, sur mer, le grand Auster sévit
Et bouscule les flots, ni les agrès
Ni le gouvernail ne servent plus au matelot : l’un attache les rames,
L’autre cherche une baie abritée et de tranquilles rivages :
Cet autre, fuyant devant l’orage, confie tout au hasard.
Mais pourquoi gémir sur ces détails ? Avec le consul son collègue, le grand Pompée,
Terreur de nos mers, explorateur de l’Hydasque sauvage
Écueil de la piraterie, qui trois fois vainqueur
Avait fait peur à Jupiter lui-même, à qui le Pont Euxin aux eaux violées
Et le Bosphore aux ondes soumises avaient dû rendre hommage,
O honte, il s’enfuit, abandonnant le pouvoir,
Montrant le dos à la fortune changeante, le dos de qui fut le grand Pompée.