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retoucher à chaque instant à son testament ; pour que rien ne manquât à la comédie, chaque fois qu’il aurait à appeler l’un de nous, il feindrait de prendre un nom pour un autre pour que tout le monde fût bien convaincu qu’il se souvenait encore des serviteurs qu’il n’avait pas amenés avec lui.

Tout cela bien réglé, après avoir prié les dieux pour notre prompt et complet succès, nous nous mettons en route. Mais Giton succombait sous un fardeau inaccoutumé, et Corax, le valet à gages d’Eumolpe, pestant contre son métier, posait à chaque instant nos bagages en nous maudissant de marcher si vite et nous promettait qu’il allait ou les jeter ou s’enfuir avec.

« Me prenez-vous, disait-il, pour une bête de somme ou pour un navire de transport ? Vous m’avez engagé pour faire le service d’un homme, non d’un cheval, et je suis aussi libre que vous, bien que mon père m’ait laissé dans la misère. » Non content de ces invectives, il levait de temps en temps la jambe et remplissait l’air d’un bruit obscène en même temps que d’une odeur suffocante. Giton riait de son insolence et à chaque pet répondait en écho.

CXVIII. OU EUMOLPE DISSERTE SUR L’ESSENCE DE LA POÉSIE

Mais Eumolpe en revenait toujours à sa marotte : « Nombreuses, dit-il, jeunes gens, sont les victimes de la poésie : dès qu’on est parvenu à mettre un vers sur pied et à renfermer dans le tissu des mots un sens un peu délicat, on se croit du coup au sommet de l’Hélicon. C’est ainsi que des avocats expérimentés, las des luttes du barreau, ont cherché fréquemment un refuge dans la paisible poésie comme dans un port d’accès plus facile, se