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manquer de nous procurer tout l’argent dont nous aurons besoin pour le moment ! « Eh bien ! répondit Eumolpe, hâtons-nous donc de faire le plan de notre comédie. Si l’affaire vous plaît, je jouerai le rôle du maître. »

Aucun de nous ne fut tenté de blâmer une aventure où, après tout, nous n’avions rien à perdre. Aussi, pour établir cette fourberie sur une entente solide et durable, jurâmes-nous entre les mains d’Eumolpe de nous laisser brûler, emprisonner, bâtonner, massacrer, et de faire toutes les autres choses qu’il pourrait nous ordonner, comme des gladiateurs légalement engagés qui, par un serment sacré, se sont livrés corps et âme à leur maître.

Cette formalité réglée, transformés désormais en esclaves, nous saluons notre nouveau maître. Nous convenons également qu’Eumolpe vient de perdre un fils, jeune homme fort éloquent et qui donnait les plus grandes espérances, qu’à la suite de ce deuil il avait quitté son pays pour ne plus voir les clients et les amis de son fils, ou son tombeau, cause quotidienne de nouvelles larmes pour ce vieillard infortuné, qu’à toutes ces causes d’affliction s’était ajouté un naufrage dans lequel il avait perdu deux millions de sesterces. Sans doute cette perte le touchait moins que celle de ses serviteurs, qui ne lui permettait pas de vivre suivant son rang, car il avait en Afrique trente millions de sesterces en terres ou en dépôts en banque, et le nombre des esclaves dispersés sur ses domaines de Numidie était si grand qu’ils auraient suffi pour prendre Carthage.

Conformément à ce plan, nous conseillons à Eumolpe de tousser beaucoup, comme s’il était faible de poitrine, de témoigner en public un grand dégoût pour tous les aliments, de ne parler que d’or et d’argent et de se plaindre de la stérilité des terres et de l’incertitude de leurs revenus. Il devait en outre s’occuper chaque jour de ses comptes et