Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle me tira à part et me para d’une perruque non moins belle ; mon visage y gagna même un éclat plus piquant, car la perruque était blonde.

Cependant, Eumolpe, notre protecteur dans le danger et l’auteur de la réconciliation, craignant que, si la conversation languissait, notre gaîté ne tombât, s’en prit à la légèreté des femmes, promptes à s’enflammer, plus promptes à oublier leurs amants. « Il n’y a pas, prétendait-il, de femme, si sérieuse qu’elle soit, qu’un nouvel amour ne puisse porter aux dernières fureurs. Je n’ai pas besoin pour le prouver de recourir aux tragédies anciennes, ou de vous citer des noms tristement célèbres dans le passé. Si vous voulez bien m’entendre, il me suffira d’alléguer un fait dont j’ai été moi-même le témoin. » Aussitôt, tout le monde se tourne vers lui et prête à son récit une oreille attentive. Il commença donc ainsi :

CXI. LA MATRONE D’ÉPHÈSE[1]

« Une dame d’Éphèse s’était acquis une telle réputation de chasteté que, des pays voisins, les femmes venaient la voir comme une curiosité. Cette dame donc, ayant perdu son mari, ne se contenta pas, comme tout le monde, de suivre l’enterrement, les cheveux épars, ou de frapper, devant la foule assemblée, sa poitrine nue, elle voulut accompagner le défunt jusque dans la tombe, garder son corps dans le caveau où, suivant la coutume grecque, on l’avait déposé, et y passer ses jours et ses nuits à le pleurer.

  1. On retrouve un conte semblable chez beaucoup de peuples. Voir Abel de Rémusat, Contes chinois : « La matrone du pays de Soung. » Il a été maintes fois traduit ou imité, notamment par Saint-Evremond, Bussy-Rabutin et La Fontaine.