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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

à leur enfant de fréquenter les meilleures, même les plus hautes sociétés, lesquelles néanmoins ne l’attirèrent jamais, ou ne le captivèrent pas longtemps.

« Encolpe, en naissant, devait avoir reçu de la nature toutes les grâces du corps, tous les talents de l’esprit ; mais, du côté du cœur et de l’âme, il s’en fallait bien que son partage eût été aussi bon.

« Sans doute, une éducation très soignée avait contribué à développer en lui le germe de tous ses avantages, mais n’avait certainement point étouffé celui de tous ses vices.

« Quant au physique, de très bonne heure il s’était trouvé en état de ressentir comme d’inspirer avec violence la passion de l’amour. Éminemment pourvu de ces moyens, de ces forces extraordinaires qui distinguent presque privativement certains individus et les rendent d’une aptitude prodigieuse à goûter eux-mêmes ainsi qu’à donner aux autres les jouissances les plus vives et les plus répétées, il semble avoir tour à tour enflammé et aimé tout ce que les grandes villes, théâtre du libertinage le plus raffiné ou le plus crapuleux, pouvaient compter, chez l’un et l’autre sexe, de personnes, n’importe à quel âge, plongées, soit dans la volupté la plus tendre, soit dans la débauche la plus sale.

« Quels étaient au juste les sentiments que Pétrone lui avait prêtés relativement aux femmes ? Encolpe avait-il été, au total, représenté de manière que, chez lui, un goût dépravé n’eût jamais pris effectivement la supériorité décidée sur le penchant le plus naturel, et que les femmes, ne pouvant s’empêcher de l’aimer, eussent simplement à regretter de n’être pas seules à l’intéresser ? Ou peut-on penser que partout, dans ce qui est perdu comme dans ce qui nous reste du roman, ce qu’il disait de ses sentiments pour elles tendait uniquement à masquer le tort réel de leur donner une trop faible place dans son cœur ? C’est sur quoi on ne doit peut-être pas se prononcer. Mais ce qui est certain est que, dans ce que nous lisons aujourd’hui, on croit recon-