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ce navire méritait une correction, ne laissait pas Giton tranquille.

Mon audace eut le don de redoubler la fureur de Lycas, indigné que j’oublie ma propre défense pour ne s’occuper que de celle d’un autre. Tryphène fut non moins vexée par mes outrages. Son exaspération divise en deux camps toute la foule qui encombre le pont : d’un côté, le barbier d’Eumolpe, armé lui-même d’un rasoir, nous distribue ses autres outils ; de l’autre, les esclaves de Tryphène retroussent leurs manches. Rien ne manque à ce branlebas, pas même les cris des servantes de Tryphène.

Seul le pilote déclare qu’il va abandonner la direction du navire, à moins que ne cesse cette folie soulevée par la rage de quelques vauriens. Son intervention n’arrive pas à calmer la fureur des gens qui luttaient les uns pour leur vengeance, les autres pour leur vie ; de part et d’autre, de nombreux combattants tombent à demi morts ; plus nombreux encore sont ceux qui, couverts de sang et de blessures, se retirent, comme on dit, du combat, sans que, des deux côtés, la fureur diminue.

Alors Giton, intrépide, approche le rasoir de son membre viril, menaçant de couper la cause de tant de maux. Aussitôt Tryphène s’élève contre un si grand crime et avoue qu’elle fait grâce. Quant à moi, j’avais plusieurs fois porté le rasoir à ma gorge sans avoir, du reste, plus envie de me tuer que Giton de faire ce qu’il disait. Cependant il jouait son rôle plus hardiment que moi, sachant avoir en main ce rasoir avec lequel il s’était déjà coupé la gorge.

Les deux armées étaient toujours en présence et paraissaient ne pas devoir s’en tenir à une guerre d’escarmouches, quand le pilote obtint à grand’peine que, faisant office de héraut, Tryphène négocie une trêve. Ayant donné sa parole et reçu la nôtre, suivant l’antique usage, elle