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mesure. En premier lieu, s’ils sont venus volontairement à mon bord, pourquoi donc se sont-ils dépouillés de leurs chevelures ? Quiconque déguise ses traits se prépare à tromper, non à faire amende honorable.

« Ensuite si, par vos bons offices, ils cherchaient à rentrer en grâce, pourquoi faisiez-vous tout pour cacher ceux dont vous aviez pris la défense ? D’où il résulte que c’est par hasard que ces deux scélérats sont tombés dans nos filets et que vous avez alors cherché comment les soustraire aux transports de notre ressentiment. Pour nous intimider, vous les proclamez libres et de bonne famille. Prenez garde que cet argument dans lequel vous placez votre confiance ne se retourne contre vous.

« Et que doivent faire ceux qui ont été trompés quand ce sont les coupables eux-mêmes qui réclament un châtiment ?

« Mais, dites-vous, ils ont été nos amis. Ils n’en méritent que de pires supplices. Car celui qui fait du tort à des inconnus commet un crime ; celui qui trompe ses amis ne vaut guère mieux qu’un parricide. »

Eumolpe rétorqua une argumentation si excessive : « Je le vois bien, dit-il, ce qui fait le plus de tort à ces malheureux jeunes gens, c’est de s’être coupé les cheveux pendant la nuit. Vous en concluez qu’ils sont tombés ici par hasard et qu’ils n’y sont pas venus volontairement. Je voudrais que la vérité parvienne aussi clairement à vos oreilles que, dans la réalité, les choses se sont passées simplement. Ils voulaient, avant de s’embarquer, décharger leurs têtes d’un poids gênant et superflu, mais le vent, en se levant trop tôt, ne leur laissa pas le temps de s’acquitter de ce soin. Ils ignoraient complètement qu’il y eût quelque importance à entreprendre ici ou là ce qu’ils avaient décidé de faire : ils ne connaissaient en effet ni ce présage, ni les lois de la navigation. »