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ici même les coupables, au plus vite, afin que je sache par quel sang je dois purifier ce navire.

— C’est par mon ordre que cela s’est fait, dit Eumolpe : devant faire route avec eux, j’ai voulu m’assurer des auspices favorables. Tous deux coupables, ils portaient en punition de longues chevelures malpropres ; pour ne pas paraître faire de ce navire une prison, j’ai fait nettoyer ces deux misérables : ainsi, du reste, les lettres dont ils. sont marqués n’étant plus cachées par leurs cheveux, tout le monde pourra les lire. Entre autres fredaines, ils mangaient chez leur amie commune mon bon argent : c’est là que je les ai pincés, la nuit dernière, encore tout saturés de vin et de parfums. Bref, ils fleurent encore les. débris de mon patrimoine.

En suite de ce discours, pour apaiser la divinité tutélaire du navire[1], Lycas nous condamna chacun à quatre-vingts coups de garcette. Et cela ne traîna pas : les matelots, furieux, se ruent sur nous avec des cordes et se mettent en devoir d’apaiser, par notre sang vil, leur divinité tutélaire. Pour moi, je digérai les trois premiers coups avec une grandeur d’âme toute spartiate ; mais Giton, dès le premier, se mit à crier de telle sorte que Tryphène eut les. oreilles remplies de ces accents d’une voix bien connue. Non seulement elle en fut tout émue, mais toutes ses servantes aussi, attirées par ces sons familiers, volent au, secours du martyr.

Déjà l’admirable beauté de Giton avait désarmé les

  1. Il a déjà été question d’une purification au chapitre précédent, à propos du songe de Tryphène : il s’agissait alors d’apaiser Apollon, qui était apparu en rêve à Tryphène et qu’on supposait en conséquence irrité. Ici la purification est destinée à apaiser la tutela, c’est-à-dire la divinité patronne du navire, celle dont la figure était sculptée à la proue, qu’Encolpe et Giton avaient pu indisposer en se faisant couper les cheveux.