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homme était cet Épicure qui, par des arguments si séduisants, a montré la vanité de toutes ces sottises.

‘ Ces songes qui se jouent de notre intelligence, leurs fantômes insaisissables
Ne viennent pas des sanctuaires des dieux, de l’éther, demeure des bienheureux ;
Chacun se les crée à lui-même. Car, lorsque le sommeil nous couche,
Que la fatigue paralyse nos membres, notre esprit joue sans contre-poids :
Tout ce que nous a montré la lumière du jour réparait dans la nuit. Celui qui abat
Les citadelles par la guerre et déchaîne les flammes sur les villes infortunées
Ne voit qu’armes, troupes en déroute, et funérailles de rois,
Et plaines qu’inonde le sang, coulant à flots.
Ceux qui font métier de plaider ne rêvent que code, place publique
Et tremblent devant le tribunal qu’évoque leur imagination,
L’avare enfouit ses richesses et, en creusant, trouve un nouveau trésor.
Le chasseur balles bat les bois avec ses chiens. Le marin qui se voit périr
Arrache aux ondes son navire en perdition ou s’y accroche désespéré.
La courtisane écrit à son amant. La femme infidèle donne de l’argent au sien.
Et le chien, en dormant, aboie sur la piste du lièvre.
Pendant le temps du sommeil, les malheureux souffrent encore de leurs blessures.

Cependant Lycas, après avoir fait le nécessaire pour expliquer le songe de Tryphène : « Qui nous empêche, dit-il, de visiter le navire, pour ne pas sembler faire fi des avertissements du ciel ? »

Là-dessus, celui qui avait surpris nos manœuvres nocturnes, un certain Hésus, arrive et s’écrie : « Quels sont donc ces individus qui se faisaient raser cette nuit au clair de la lune ? C’est, par Hercule, d’un bien fâcheux exemple. On m’a toujours dit que sur un navire il n’était permis à personne de se couper les ongles ni les cheveux, sauf quand les vents agitent les vagues. »

CV. ENCOLPE ET GITON DÉCOUVERTS PAR LEURS ENNEMIS

Profondément troublé par ces paroles, Lycas se mit en colère. « Ainsi, dit-il, quelqu’un s’est coupé les cheveux sur ce navire, et cela en pleine nuit ? Qu’on amène