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que le mensonge tienne debout, que tout soit d’accord. Admettons que la drogue dont nous teindrons notre figure dure assez longtemps ; supposons qu’aucune goutte d’eau ne viendra faire tache sur notre corps, que nos habits n’absorberont point d’encre, ce qui arrive fréquemment, même quand on n’y met pas de gomme[1], pourrons-nous nous faire des lèvres hideusement gonflées, passer nos cheveux au fer à friser, nous tatouer le visage, nous courber les jambes en cerceau, marcher sur les talons, avoir une barbe à leur mode ? Cette couleur artificielle salit le corps sans le changer. Écoutez plutôt ce que m’inspire le désespoir : attachons nos robes autour de nos têtes et jetons-nous dans la mer.

CIII. FIN DE LA DÉLIBÉRATION : ENCOLPE ET GITON ENTIÈREMENT RASÉS

« J’en appelle aux dieux et aux hommes, s’écria Eumolpe, votre vie ne finira pas si vilainement. Faites plutôt ce ce que vais vous dire : mon domestique, comme vous l’avez pu voir par son rasoir, est barbier de son métier ; il va vous raser complètement non seulement la tête, mais aussi les sourcils[2]. Je passerai derrière lui pour marquer adroitement vos fronts d’une inscription pour vous être enfuis. Ces stigmates détourneront les soupçons de ceux qui vous cherchent et déguiseront votre physionomie sous un voile d’infamie.

  1. Pour empêcher le papier de boire l’encre, on mêlait à celle-ci une espèce de gomme nommée ferumen, qui la rendait gluante, comme Giton l’explique ici.
  2. Les esclaves avaient la tête rasée, mais on ne rasait les sourcils qu’aux criminels et aux esclaves fugitifs, qu’on marquait aussi au front de la lettre F (fugitif).