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déclarerai ensuite que pendant la nuit mes deux esclaves, redoutant un châtiment encore plus dur, se sont jetés à la mer. Et quand nous serons dans un port, je vous ferai débarquer comme des bagages sans que personne soupçonne rien.

— Très bien, dis-je, vous voulez donc nous attacher comme des souches que leur ventre ne gêne jamais, et qui n’éprouvent jamais le besoin d’éternuer ni de ronfler. Est-ce parce qu’une ruse de ce genre m’a réussi déjà une fois ? Mais supposez que nous puissions rester ainsi liés un jour entier. Si le calme ou les vents contraires nous retiennent en mer, qu’allons-nous devenir ? Même les habits trop longtemps en paquets finissent par être rongés par la moisissure les papiers mis en liasse changent eux aussi de forme. Comment deux jeunes gens, peu faits à ce genre de fatigue, vont-ils supporter de rester immobiles comme des statues dans des langes et des liens ?

« Il faut donc chercher notre salut dans une autre voie. Voici ce que je viens de trouver. Réfléchissez-y. Eumolpe, en sa qualité de lettré, a toujours de l’encre avec lui. Servons-nous-en pour changer de couleur des pieds à la tête. Passant pour des esclaves éthiopiens, nous serons à vos ordres, trop heureux d’éviter ainsi le châtiment qui nous menace, et, par ce changement de couleur, nous échapperons à nos ennemis.

— Et pourquoi pas nous circoncire, dit Giton, afin que nous passions pour juifs, ou nous couper les oreilles pour ressembler à des Arabes, ou nous barbouiller la face de craie dans l’espoir que la Gaule nous considérera comme ses enfants[1] ? Comme s’il suffisait de changer la couleur pour changer la figure ; comme s’il ne fallait pas, pour

  1. Allusion au teint très blanc des Gaulois.