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CI. OU LES TROIS AMIS DÉLIBÈRENT

Je restai abasourdi de ce coup de foudre. J’en tremblais positivement et, tendant la gorge comme une victime : « Cette fois, Fortune, m’écriai-je, tu m’as vaincu ! » Quant à Giton, tombant dans mes bras, il s’évanouit. Une abondante sueur nous remit un peu d’aplomb. Alors je me jetai aux genoux d’Eumolpe : « Aie pitié, lui dis-je, de mourants au nom de nos communes amours, de cet enfant, aide-nous à en finir. La mort approche qui, si tu n’y mets pas obstacle, sera accueillie par nous comme un bienfait. »

Interloqué par tant de violence, Eumolpe commence par jurer ses grands dieux qu’il ne sait pas ce qui se passe et que, pour sa part, il ne nous a tendu aucun piège : « C’est en toute simplicité et en toute bonne foi, dit-il, que je vous ai conduits sur ce navire, où j’avais retenu ma place depuis longtemps. Quelles embûches pouvez-vous bien craindre et quel peut être ce nouvel Annibal qui navigue avec nous ? Lycas de Tarente, homme fort honorable, à la fois capitaine et propriétaire de ce navire, possesseur également de quelques terres, et qui conduit à Tarente une cargaison d’esclaves destinés à la vente. Voilà le cyclope, voilà l’affreux pirate auquel nous devons notre passage. Et avec lui voyage Tryphène, la plus belle des femmes, qui court le monde pour son plaisir. — Ce sont précisément, répondit Giton, les gens que nous fuyons. » Et aussitôt il expose à Eumolpe, fort perplexe, pourquoi ils nous détestent et quel péril nous menace.

Ne sachant qu’en penser et fort agité lui-même, le