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Il parlait encore quand, ouvrant la porte avec fracas, un marin à la barbe hirsute parut sur le seuil. « Vous tardez, dit-il, Eumolpe, comme si vous ne saviez pas que ça presse. »

Aussitôt nous nous levons tous. Eumolpe, réveillant son valet, qui dormait depuis, longtemps, lui ordonne de partir avec nos bagages. Quant à Giton et moi, nous faisons un paquet de tout ce qui nous reste, et, après avoir adoré les astres protecteurs de la navigation[1], nous montons sur le navire.

C. OU ENCOLPE ET GITON FONT UNE FACHEUSE RENCONTRE

‘ Nous choisîmes une place écartée près de la chambre de poupe, encore levé, Eumolpe s’endormit. Mais ni Giton, ni moi, ne pûmes goûter un instant de sommeil. Soucieux, je réfléchissais que je venais d’admettre dans mon intimité Eumolpe, rival bien plus dangereux qu’Ascylte, et cela me tourmentait fort. C’est par la raison que je surmontai mon chagrin’ : « Il t’est pénible, me disais-je, que cet enfant plaise à un autre[2]. Mais dans ce que la nature a créé de meilleur, qu’y a-t-il qui ne soit commun à tous ? Le soleil luit pour tous. La lune, avec son cortège innombrable d’étoiles, guide la bête sauvage elle-même cherchant pâture. Que peut-on trouver de plus beau que les eaux ? Cependant elles coulent pour tout le monde. Et l’amour seul serait une propriété

  1. Les marins et les passagers, avant de s’embarquer, invoquaient Castor et Pollux.
  2. Cette méditation ornée de lieux communs pourrait bien être la parodie de quelque roman, de quelque poème ou encore de quelque exercice d’école.