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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

Son succès lui fit des émules, des continuateurs, qui l’imitèrent sans l’égaler ; il était tentant d’attribuer à Ascylte ou à Encolpe toutes les bonnes histoires de brigands qui couraient Rome : c’était leur assurer le meilleur des patronages ; il était tentant de les insérer dans une œuvre déjà célèbre qui leur ferait faire leur chemin dans le monde ; il était facile d’adopter le ton, la manière de l’auteur qui est déjà celle de nos meilleurs conteurs français. Et c’est ainsi que le livre, démesurément grossi, devint un recueil énorme, quelque chose comme l’épopée de la crapule durant la décadence romaine.

L’œuvre primitive était, à en juger par les fragments qui en restent, quelque chose de plus élevé, de plus délicat, et, ajouterons-nous, de plus moral il s’agissait de la décadence des lettres envisagée comme conséquence de la décadence des mœurs.

III. Les personnages et le cadre du roman. — Les lacunes et l’incertitude du texte, l’ignorance où nous restons sur la date même approximative de la composition des différents fragments rendent parfois l’œuvre assez difficile à comprendre.

Un des hommes qui ont le plus consciencieusement étudié le Satyricon, un de ceux aussi qui, à notre sens, ont le mieux compris Pétrone, le chevalier La Porte du Theil[1], a, dans des pages encore inédites, tenté de restituer la physionomie des principaux personnages du roman, en se basant exclusivement sur les Aventures d’Encolpe, qui seules

  1. Au moment de publier son savant ouvrage, pris de scrupules de conscience, il n’hésita pas à priver ses contemporains et du fruit de ses travaux et d’un plaisir qu’il s’était permis à lui-même. Il donna l’ordre d’arrêter l’impression, mais, heureusement, épargna quelques exemplaires des épreuves et ses notes qui sont à la Bibliothèque nationale. Les épreuves portent la date de 1793.