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vous en supplie, Eumolpe, retrouvez-le, quand même ce serait pour le rendre à Ascylte. »

Il commençait à me croire quand Giton, ne pouvant plus retenir son souffle, éternua par trois fois de telle sorte que tout le lit en fut ébranlé. Eumolpe se retourne : « A tes souhaits, Giton ! » s’écrie-t-il et, soulevant le matelas, il découvre un Ulysse tellement mal en point qu’un Cyclope, même mourant de faim, l’eût épargné. Puis se tournant vers moi : « Ah, c’est ainsi, brigand ! Pris la main dans le sac, tu avais l’audace de nier l’évidence. Et pourtant, s’il n’était pas un dieu, arbitre des choses humaines, dont la justice a arraché cet éternuement révélateur au petit, dupe de tes belles paroles, je serais à courir tous les cabarets pour le trouver. »

Mais Giton, beaucoup plus- insinuant que moi, commença par panser avec des toiles d’araignée trempées dans l’huile la blessure qu’Eumolpe s’était faite à la tête, lui ôta sa robe déchirée qu’il remplaça par son propre mantelet et, le sentant déjà un peu radouci, en guise de calmant, l’accabla de ses baisers. « Nous voilà, lui dit-il, bon père chéri, sous ta sauvegarde. Si tu aimes un peu ton petit Giton, commence par le sauver. Plût au Ciel que le feu ennemi me consumât tout seul ! Plût au Ciel que la mer en furie m’engloutît ! Car c’est moi qui suis l’unique sujet, la seule cause de tous vos affreux démêlés. Si je meurs, voilà les ennemis réconciliés ! »

‘ Eumolpe, touché de mes maux et de ceux de Giton, mais surtout gardant le souvenir de ses gentillesses, finit par nous dire : « Vous n’êtes que des imbéciles avec tout le mérite que vous avez, vous pourriez être heureux, au lieu que vous battez la dèche et que vous passez votre temps à vous créer vous-mêmes à vous-mêmes, chaque jour, de nouveaux soucis et de nouveaux tourments. ’