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encore étendus par terre. Contemplant cette salade épouvantable : « Ah çà dit-il, qu’est-ce que vous êtes : des pochards ou des rôdeurs, ou tous les deux ? Qui est-ce qui a mis ce lit debout ? Et que signifient tous vos chichis ? Par Hercule ! pour ne pas payer ma chambre, vous allez vous défiler pendant la nuit ! Il n’y a rien de fait : ça ne se passera pas comme ça. Cette maison est isolée. Mais je vais vous faire voir tout à l’heure qu’elle n’appartient pas à une pauvre veuve sans défense, mais à Marcus Manicus.

Eumolpe s’écrie : « Alors, tu nous menaces ? » Et, sans attendre la réponse, il lui allonge une gifle à tour de bras. L’hôte, éméché par les trop nombreux verres bus avec ses clients, lance à la tête d’Eumolpe une cruche en terre, lui fend le front, et file.

Eumolpe hurle, puis, impatient de venger cet outrage, se saisit d’un grand chandelier de bois, se met aux trousses du fuyard et venge son crâne fêlé en l’en frappant à tour de bras. Toute la maisonnée accourt, escortée d’une phalange de clients saouls. Quant à moi, j’avais trouvé ma vengeance : je tire la porte derrière Eumolpe, lui rendant ainsi la monnaie de sa pièce et m’assurant, sans rival importun, la jouissance et de la chambre et des plaisirs de la nuit.

Cependant, toute la séquelle des marmitons et des locataires tombe sur le malheureux : l’un, avec une broche encore chargée de viandes fumantes, esquisse une attaque contre ses yeux ; l’autre, avec un croc emprunté au garde-manger, prend ses dispositions pour la bataille mais surtout une vieille chassieuse, ceinte d’un torchon horriblement sale et chaussée de sabots dépareillés, arrive en traînant par la chaîne un dogue d’une taille effrayante et se met à l’exciter contre Eumolpe. Ce dernier se tirait de tous ces périls à grand renfort de coups de chandelier.