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porte. Je demande : « Combien êtes-vous ? » Et en même temps je regarde soigneusement par la fente si Ascylte n’était pas avec lui. Voyant que notre hôte était seul, je lui ouvre sur-le-champ.

Il se jette sur un lit et, apercevant Giton qui s’acquittait des soins du ménage, il secoue la tête et s’écrie : « Compliments pour notre Ganymède il nous faut, ce soir, prendre du bon temps ! » Une entrée en matière aussi indiscrète me charma médiocrement : j’eus peur d’avoir ouvert ma porte à un nouvel Ascylte. Et le voilà qui insiste ; Giton lui ayant présenté à boire : « Je t’aime mieux, lui déclare-t-il, que tous les mignons du bain ensemble ! » Puis, ayant mis son verre à sec, il nous informe qu’il ne s’est jamais. senti la gorge aussi aride.

« Figurez-vous, explique-t-il, qu’au bain je me suis, fait presque assommer, parce que j’ai essayé de réciter un de mes poèmes aux gens qui étaient assis autour du bassin. Chassé du bain, comme du théâtre, je vous cherchais dans, tous les coins, en criant : « Encolpe ! Encolpe ! » quand, à l’autre bout de l’établissement, un jeune homme tout nu et qui avait perdu ses habits, criant avec une égale force et semblant fort en colère, se mit à vitupérer un nommé Giton !

« Mais tandis que les valets de bain[1], me traitant de fou, me contrefaisaient avec insolence pour se moquer de moi, l’autre fut bien vite entouré d’une grande foule qui applaudissait discrètement et témoignait une admiration respectueuse.

« Il avait, en effet, un membre d’une telle importance

  1. Ces valets de bains chargés de garder les habits de ceux qui étaient dans l’eau avaient, au témoignage de Sénèque le Rhéteur, reçu le nom d’officiosi, parce que professionnellement ils se prêtaient à tous les caprices des baigneurs.