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Oserons-nous aller jusqu’au bout de notre pensée et avancer qu’il y en a eu sans doute trois ou davantage ? Dans les Aventures d’Encolpe nous croyons distinguer, en effet, des morceaux d’inspiration et de valeur bien différentes. Il nous semble que les chapitres relatifs au culte de Priape, l’histoire de Quartilla, et peut-être celle de la prêtresse Œnothea sont au moins en partie d’un auteur relativement récent.

Leur mérite littéraire est mince. Ils sont lugubrement tristes, platement pornographiques ; les terreurs de la superstition s’y marient au matérialisme le plus bas, au sensualisme le plus grossier. On n’y retrouve rien de la bonne humeur, du bel équilibre intellectuel, de la bonne santé morale qui caractérisent l’auteur des meilleurs morceaux du Satyricon. On se sent, au contraire, en pleine décadence.

Eumolpe date encore de l’époque où Rome, déjà corrompue mais encore vigoureuse et brillante, lutte non sans courage contre sa propre décadence. L’auteur du Banquet, comme celui des priapées, n’en est plus à pressentir la faillite intellectuelle et morale de Rome : il la constate avec une netteté de procès-verbal.

Un morceau célèbre, et qui mérite de l’être, la Matrone d’Éphèse, n’est peut-être même qu’une Milésienne récente qui se serait glissée tardivement dans le recueil.

Résumons-nous : tout ce qui trahit une décadence trop complète soit de la littérature, soit des mœurs, nous paraît indigne de l’auteur primitif du Satyricon. Il aurait écrit la meilleure partie de l’œuvre, celle qu’on ne se lassera jamais de relire. Il aurait créé un type, celui de l’élégant coquin, lettré, déluré et sans aucun scrupule, un style, celui du récit familier, un cadre, celui du roman à tiroir.

    l’ouvrage a: « Il ne contient, dit-il, aucun fait dont la connaissance préalable soit nécessaire pour l’intelligence de la dernière partie du roman. »