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vous, je veux, pendant un jour entier, me priver de ce régal. — Et moi, lui dis-je, si vous réservez votre verve pour un autre jour, je veux que nous dînions ensemble. »

Aussitôt, je charge la bonne de mon petit hôtel de nous préparer un petit souper, ‘ après quoi nous nous rendons au bain ’.

CXI. OU ENCOLPE RETROUVE, SON GITON

Là, j’aperçois Giton appuyé contre le mur et muni des frottoirs et des racloirs[1] de l’étuviste. Il semblait triste et confus. On sentait qu’il portait sans enthousiasme son nouveau joug. Tandis que je l’observais pour m’assurer que c’était bien lui, il tourna la tête de mon côté et aussitôt sa physionomie s’éclaira :

« Grâce, mon grand frère, s’écria-t-il. Maintenant que je ne vois plus briller le fer, je veux parler librement. Arrache-moi à ce brigand sanguinaire et punis-moi aussi durement que tu voudras d’avoir prononcé contre toi. C’est déjà un assez grand supplice pour moi d’avoir, malheureux que je suis, perdu ton affection. »

Je mets un frein à ses plaintes, crainte que quelqu’un ne surprenne nos projets, et, plantant là Eumolpe, qui, déjà, déclamait un poème dans l’eau, j’entraîne mon Giton par une issue obscure et malpropre, et nous volons à notre gîte.

Aussitôt la porte fermée, je me jette dans ses bras et je dévore sous mes baisers les larmes qui inondaient son visage. Longtemps tous deux nous ne pûmes dire un mot.

  1. Ces racloirs avaient la forme d’une serpette mais sans tranchant, et servaient à faire tomber la sueur et la crasse qui couvraient le corps.